L'Heure HLa Du Barry
La Du Barry
40 min
| Publié le 03/07/23
Le soleil ne s’est pas levé ce matin, sur la place de la Révolution. Les nuages sont bas, et la brume insidieuse rend l’atmosphère particulièrement… Mortifère. Au loin, une partie de la foule massée au pied de l’échafaud peut déjà percevoir le cliquetis des fers et le bruit des roues de bois du chariot qui s’amène. Oh non, il ne s’agit pas d’un marchand égaré. Cette calèche est pleine de condamnés. À mort. Le bourreau, Charles-Henri Sanson, est celui à qui on a confié la lourde charge de mettre fin à la vie de ceux qu’on lui confie. Il en a vu passer, déjà, des victimes de la Terreur révolutionnaire. Son cœur et son âme sont hermétiques aux regards éplorés et aux plaintes. Pourtant, en cette fin de matinée, il sera saisi au plus profond de ce qui lui reste de bon cœur. Parmi les cous à raccourcir aujourd’hui se trouve celui d’une ancienne amie : Jeanne du Barry. Une femme au destin extraordinaire, que personne n’aurait pu prédire si ce n’est Dieu lui-même. De roturière à maîtresse royale, elle a prouvé qu’il n’y avait qu’un pas. Mais ce matin, elle, parmi tant d’autres, va mourir pour une raison qui lui échappe. Elle tombe sous le joug de cette fameuse Loi des Suspects qui terrorise le Tout-Paris. Le comité de Salut Public s’est chargé de mettre fin à bien des destins. Et s’il fera son devoir comme il l’a toujours fait, Charles-Henri Sanson, ce matin, a les pieds de plomb. Alors que la brume dévore la lame de sa guillotine, il enfile sa cagoule grossièrement taillée lorsque des corbeaux, volant en nasse, traversent le brouillard et viennent se poser sur la structure de bois. Cela fait longtemps qu’il ne les chasse plus. Ce serait inutile de toute façon. Ils sont le signe que le chariot des condamnés arrive. Voilà qu’il entend déjà les cris. Nous sommes le 8 décembre 1793, le froid mord aux chevilles et crispe les doigts. Il est 11 heures, et c’est l’heure H, de mon histoire.