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L’Europe se mêle de tout ! Jusqu’à la courbure des bananes

Vrai ou Faux ?

9 min

| Publié le 26/07/23

Il y a des règles européennes sur les jouets, les eaux d’égout, les achats en ligne, les pauses des chauffeurs de poids lourds, les machines à laver et le changement d’heure, les appareils électriques et les congés après une naissance. Arrêtons la liste, elle est encore longue. L’Europe se mêle-t-elle donc de tout, en pinaillant sur les détails ? "L’Europe se mêle de tout"? FAUX L’Union européenne prend des décisions dans certains domaines et pas (ou peu) dans d’autres. Les Etats européens, en devenant membres de l’Union, choisissent de prendre certaines décisions ensemble : ils décident à 27 en matière d’agriculture, de pêche, de transports, d’environnement ou encore de protection des consommateurs. Dans ces domaines, il y a de très nombreux actes législatifs européens, des règlements, des directives. Mais certaines compétences restent avant tout entre les mains des Etats. Les Etats gardent la main en matière de défense par exemple. Et on ne verra pas l’Europe décider comment organiser nos systèmes de santé ou encore nos écoles. Dans ces domaines notamment, l’Europe a peu son mot à dire. "L’Europe se mêle de beaucoup de choses" VRAI Même si certains domaines ne sont pas de son ressort, l’Europe a une grande influence sur nos quotidiens : il suffit, pour s’en rendre compte, de voir le nombre de changements qu’ont connu les citoyens britanniques depuis qu’ils sont sortis de l’Union. Est-ce qu’on peut chiffrer cela ? Régulièrement, des élus relèvent que 70 voire 80% de nos lois nationales découlent de l’Europe. Certains eurosceptiques citent ce chiffre pour dire que l’Europe a trop d’emprise. Des europhiles aussi mettent ce chiffre en avant, cette fois pour dire l’importance de l’Europe et donc l’intérêt de s’y impliquer. Mais ce chiffre ne repose sur aucune étude fiable. Les chercheurs qui avaient essayé de l’évaluer étaient arrivés à des estimations bien plus basses, de l’ordre de 20%. En réalité, c’est un chiffre difficile à estimer et qui varie d’un Etat à l’autre. Au passage : ceux qui, à la façon de Boris Johnson le Premier ministre britannique, se plaignent de normes européennes subies, parachutées d’en haut sur leur Etat… Oublient parfois de préciser que leur Etat participe à ces prises de décisions. Et que ces décisions ont été prises, pour beaucoup, pour permettre le "Marché unique européen". Pour pouvoir lever les frontières à l’intérieur de l’Union, y permettre la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux, il avait fallu émettre un socle commun de règles. "Mais l’Europe pinaille sur des détails !" VRAI avant, moins maintenant. Pour instaurer ce grand marché et lever toutes les barrières douanières, l’Europe avait légiféré beaucoup, fin des années 1980 début des années 1990. Et dans cette fièvre législative, elle s’est parfois emballée en votant certains textes ultra-détaillés, parfois poussée par un Etat ou des lobbies, des secteurs économiques. Il est donc vrai qu’une réglementation européenne stipule que les bananes ne doivent pas présenter de "courbure anormale". Le but était de protéger le commerce des bananes produites en Europe, en France d’outre mer. Il est vrai aussi que la taille des concombres, par exemple, avait été réglementée. Et que l’Europe avait voulu normer la présentation de l’huile d’olive sur les tables des restaurants. Dans ces deux cas-ci, il y avait eu marche arrière… Mais les légendes sont restées. Et ces légendes pèsent lourd sur la popularité de l’Europe. L’affaire de la banane L’exemple de la banane est parlant. C’est le jeune Boris Johnson qui avait épinglé l’existence de la première version de ce règlement européen sur les bananes, bien avant de devenir Premier ministre britannique. C’était en 1994, il était alors journaliste à Bruxelles, correspondant du Daily Telegraph. Il avait rédigé un article qui avait fait grand bruit, incisif et assez caricatural, qui avait contribué à implanter dans les têtes l’image d’Eurocrates à Bruxelles payés grassement à mesurer des bananes plutôt qu’à s’occuper de problèmes fondamentaux. Et cette piquante histoire de banane a collé à la peau de l’Europe. Elle circule depuis 3 décennies et elle est revenue en force comme argument pour le Brexit. Brexit porté… Par le même Boris Johnson. Légiférer moins et mieux ? Ces deux dernières législatures, les deux dernières commissions européennes tentent d’éviter ce travers du texte exhaustif et pinailleur qui a coûté de la popularité à l’Europe et de légiférer à la fois mieux et moins. "Mieux", ça ne va pas de soi : il faut éviter l’ultra-détail mais aussi éviter des normes trop "light", qui ne protègent pas assez les citoyens, les entreprises,… Et légiférer "moins", ce ne sera pas simple non plus. Pour une foule de nouveautés, une législation semble urgente et le niveau européen paraît le plus adéquat : la reconnaissance faciale, l’intelligence artificielle avec la gestion de nos données, les algorithmes des réseaux sociaux… Sans parler des crises de grande échelle, celle du climat ou du Coronavirus, pour lesquelles une réponse à grande échelle aussi a du sens. L’Europe sera sans doute appelée à légiférer dans de nouveaux domaines encore, dans un avenir proche. En évitant ses vieux travers ?