Un Jour dans l'HistoireXimenes Doudan, le célibataire de l'art
Ximenes Doudan, le célibataire de l'art
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| Publié le 16/04/24
Nous sommes le 9 septembre 1865, à Versailles. Ximénès Doudan, épistolier, critique, moraliste, très apprécié de son temps, se confie à une amie. Au soir de sa vie, il lui écrit : « Quant à votre mépris pour les prétendus beaux esprits qui n'ont rien écrit, j'avoue que je crois qu'il a passé une foule de talents inconnus sur cette terre. (…) Pour moi, je ne passe jamais dans une petite ville de province sans soupçonner qu'il y a là des inconnus qui, sous d'autres circonstances, auraient égalé ou surpassé les hommes qui remplissent aujourd'hui le monde de leur nom. Il y a beaucoup de cages où sont des oiseaux qui étaient faits pour voler très haut. Je croyais que l'air de Chevreuse était un air très doux qui portait à une certaine vue bienveillante des choses humaines, mais je vois bien qu'il pousse à des jugements très âpres. La nature est très riche et il ne lui fait rien que des inconnus de grand talent n'entrent pas dans la gloire. Ils vivent de leurs pensées et de leurs sentiments et se passent de l'Académie française. Si le monde était si exactement écrémé que vous le voulez, tout ce qui n'a pas de renommée, c'est-à-dire la presque totalité de l'espèce humaine, serait digne d'un peu de mépris. Tout de même qu'il y avait à Athènes un temple au Dieu inconnu, il ne serait pas mal d'élever une sorte de Panthéon aux grands esprits inconnus. Je les crois plus nombreux que les connus. Vous êtes terriblement aristocrate! Il me semble que ceci est une dispute, mais elle n'empêche que je voudrais bien savoir que l'air de Chevreuse vous est bon, bien qu'il vous rende un peu méchante pour votre prochain obscur. » Obscur, Ximénès Doudan le deviendra après sa mort, sept ans plus tard. De son vivant, il fut « une perle inconnue » pour les uns, un esprit comparable à Voltaire ou un directeur de consciences pour les autres. Il décrit, avec lucidité et humour, la société de la première moitié du XIXe siècle, commentant l’actualité culturelle et politique sans ménagement. En 1882, Louis Pasteur le citera dans son discours de réception à l’Académie française, reprenant ses mots : « Il y a longtemps que je pense que celui qui n’aurait que des idées claires serait assurément un sot ». Mais, celui qui connut la célébrité pour avoir mis au point un vaccin contre la rage ne nomme même pas l’auteur de sa citation qu’il attribue à un « psychologue d’un esprit éminent ». Alors qui était le mystérieux Ximénès Doudan ? Avec nous : Laurent Theis. « Ximénès Doudan – Une perle inconnue » (+ choix de lettres) éd. Perrin. Sujets traités : Ximenes Doudan,gloire, Académie française, Panthéon, Louis Pasteur, épistolier, critique, moraliste