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La Première

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Les coulisses du pouvoir

Le lent réveil géostratégique de l’Europe : et si nous étions seuls face à la Russie ?

4 min

| Publié le 12/02/24

Donald Trump annonce que les États-Unis n’aideraient pas l’Europe si elle est attaquée par la Russie. Pire, il encourage la Russie à faire ce qu’elle veut. Une déclaration qui suscite l’effroi des alliés. Réveil géostratégique L’Europe n’en finit plus de se réveiller de son sommeil géostratégique. L’invasion de l’Ukraine avait constitué un seau d’eau en pleine figure. Fini cette idée née au début des années 90, d’une nouvelle ère où les conflits de puissances se régleraient désormais par la négociation et le commerce et non plus par la guerre. Mais ce réveil difficile avait été tempéré par le matelas de l’OTAN, le fait que le bras armé de l’Amérique restait, comme durant la guerre froide, un bouclier efficace pour éviter le retour de la guerre. Mais Donald Trump vient de lancer un deuxième seau d’eau au visage de l’Europe en disant que l’OTAN n’était peut-être qu’une illusion. En meeting, il est revenu avec l’idée que l’Europe ne payait pas ses factures à l’Amérique. Il raconte que quand il était président, il a rencontré le dirigeant d’un grand pays européen qui lui a posé la question : "Si on ne paie pas et qu’on est attaqué par la Russie, que ferez-vous ?" Et voici la réponse de Trump : "Je lui ai dit : Vous êtes un délinquant. Non, je ne vous protégerai pas, en fait je les encouragerais à faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer. Vous devez payer vos factures". Provocation ou réelle menace sur l’OTAN ? Les deux. C’est une provocation qui invite les États membres de l’OTAN à payer plus à l’Amérique pour leur protection. Plus qu’une sortie de l’OTAN c’est un appel à une plus grande vassalisation des alliés que l’on devrait lire dans ces propos. Un discours de marchand d’armes texan, un marchand d’armes en campagne qui plus est. Mais c’est aussi une vraie menace, car depuis 1949 et la création de l’OTAN, aucun candidat à la présidentielle américaine, démocrate ou républicain, n’avait jamais laissé entendre qu’il n’appliquerait pas l’article 5 qui prévoit la solidarité en cas d’attaque d’un des membres. Un article activé une seule fois, après le 11 septembre, et les alliés européens avaient répondu présent en Afghanistan. Une menace d’autant plus crédible que la déclaration de Donald Trump suit largement celle de l’opinion conservatrice aux États-Unis. Les républicains freinent sur l’aide à l’Ukraine alors que celle-ci recule face à la Russie sur le terrain. Et puis le journaliste star des conservateurs, Tucker Carlson, revient d’un voyage à Moscou où il a interrogé complaisamment Poutine, le laissant réinventer l’histoire aux yeux des Américains en disant que l’Ukraine n’était pas une nation. Les républicains américains semblent marcher de plus en plus main dans la main avec Vladimir Poutine, par aveuglement pour l’autoritarisme, ou par aveuglement pour les valeurs traditionnelles qu’il prétend incarner. L’histoire le dira. Pour l’Europe, ça devrait devenir le premier sujet de la campagne électorale Le risque que nous soyons seuls dans les prochaines années augmente. L’isolationnisme semble de plus en plus s’implanter dans l’opinion américaine. Après le premier réveil géostratégique, celui du retour de la guerre de puissance, on risque de se réveiller une deuxième fois en se rendant compte que l’Occident, comme bloc politique et militaire, n’existe plus. Même si on en reste à l’hypothèse la plus optimiste de la provocation, cela devrait suffire pour que l’autonomie militaire et stratégique de l’Europe devienne le principal sujet de la campagne électorale. On devrait appliquer à l'OTAN, le vieux slogan des nationalistes flamands destiné à la Belgique: avec l'OTAN si c'est possible, sans s'il le faut.