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La Première

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Les coulisses du pouvoir

Sur les ruines de la politique

5 min

| Publié le 06/02/24

Les Wallons n'ont plus confiance dans la politique, mais gardent la foi dans la démocratie. C’est l’enseignement marquant d’une grande enquête réalisée par l'Institut wallon de statistique. Un signal d'alarme avant les élections. Oui, ce qui est intéressant avec cette enquête de l'IWEPS, qui est donc un organisme public wallon, c'est qu'elle est effectuée depuis 20 ans à intervalle régulier avec une méthodologie très solide. On peut donc comparer l'évolution de l'opinion de la population avec beaucoup de sérieux. Le premier élément marquant concerne le sentiment d'appartenance. Les Wallons se sentent toujours plus Belges que Wallons. Mais quand on leur demande s'ils se sentent fiers d'être Belges ou Wallons, là, on observe depuis 2018 un premier décrochage. Alors que 90 % des Wallons se sentaient fiers d'être Belges il y a 5 ans, ils sont 80 % aujourd'hui. C’est une baisse significative. C’est plus marquant encore avec le sentiment d’être fier d’être Wallon, on passe de 87 % à 68 % de Wallons fiers de leur région, un vrai décrochage. De moins en moins fiers de leur région, les Wallons. Une partie de l'explication tient sans doute à la période à laquelle a été effectué le sondage, au printemps passé, en pleine révélation des affaires du Parlement wallon. Un contexte qui a sans doute aussi pesé dans la cote de confiance du politique. Oui, même si ce ne sera pas suffisant pour expliquer ce qu'il faut bien qualifier de vraie claque. La confiance dans toutes les institutions politiques plonge. Quand on regarde ce graphique, on voit l'État belge, la Région wallonne, les partis politiques, les hommes et femmes politiques. On voit leur courbe légèrement descendre et monter depuis 2003, donnant l’impression d'un paysage ondulé des Ardennes. Et puis en 2023 c’est la piste noire, une falaise à pic ; les Ardennes sont devenues plus pentues que les sommets alpins. La confiance dans la Région wallonne passe de 68 % à 35 %, près de la moitié de la cote perdue. La confiance dans l'État belge passe de 70 à 39, la confiance dans les hommes et femmes politiques de 35 à 18. Rendez-vous compte, seuls 18 % des Wallons et Wallonnes disent avoir confiance en leurs hommes et femmes politiques. On pourrait se demander si ce n'est pas lié à un sentiment général, de perte de confiance dans le système, la société toute entière. Et bien, pas vraiment. D'abord, les bourgmestres, au niveau local, sont épargnés. Ensuite, la confiance dans la justice est en hausse, dans la police aussi ; elle reste forte près de la sécurité sociale (83 %), et 87 % dans le système de santé, essentiellement en passant des compétences fédérales. On note aussi une remontée de la confiance dans les médias traditionnels avec 50 %, mais par contre une très faible confiance dans les réseaux sociaux, seulement 13 %, encore pire que pour les politiques. Les Wallons et les Wallonnes ont le blues de la démocratie ? Oui, mais ils y croient toujours. Car le sentiment démocratique est toujours vivace. 92 % des sondés considèrent que la démocratie est le meilleur système, mais ils ne sont que 25 % à considérer que la démocratie belge fonctionne correctement. Seuls 16 % des Wallons voudraient d'un régime autoritaire ; ce chiffre n'a pas augmenté depuis 5 ans. Ce qui change en revanche, c'est qu'il y a de plus en plus de citoyens qui disent qu'ils feraient aussi bien que les politiques s'ils étaient à leur place. Près de la moitié le pense, contre seulement un tiers il y a 5 ans. C’est l’enseignement principal. La méfiance envers les élus ne signifie pas, pas encore un désenchantement démocratique. On pourrait même se dire que c’est la croyance en la démocratie qui suscite la méfiance envers un système qui ne le serait pas assez. C’est la thèse du philosophe français Pierre Rosanvallon : si le peuple électeur est méfiant, le peuple vigilant est toujours là, peut-être plus que jamais. Il y a donc une base pour reconstruire quelque chose sur les ruines de la politique.