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La Première

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Les coulisses du pouvoir

Charles Michel, horizon bouché(ez)

5 min

| Publié le 29/01/24

Que cache la volte-face de Charles Michel ? Après avoir annoncé sa candidature à l’élection européenne pour le MR, il la retire aujourd’hui. Une séquence qui provoque beaucoup de dégâts et mine la crédibilité de l’ex-Premier ministre libéral. Questions Mais que s’est-il donc passé vendredi ? Charles Michel annonce abandonner sa fonction de président du Conseil pour être candidat à l’Europe, essuie une volée de critiques, puis retire sa candidature. Dans cette aventure, Charles Michel ruine sa crédibilité personnelle sur la scène internationale et sur la scène belge, affaiblit l’image de l’institution européenne, diminue la renommée de la Belgique pour les postes européens de haut niveau, et affaiblit enfin son parti. Rappelons que son autoproclamation tardive comme tête de liste avait évincé Didier Reynders, désormais désigné officiellement par la Belgique comme candidat au Conseil de l’Europe. Il peut toujours renoncer, créant ainsi un nouveau problème. Mais la manœuvre de Charles Michel installera quoi qu’il arrive la future tête de liste libérale à l’Europe dans un rôle de second choix. Bref, une petite catastrophe politique. Et donc, on revient à notre question : qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête de Charles Michel ? Dans son communiqué, le président du Conseil évoque une sorte de prise de conscience, de renoncement psychologique avant d’être politique, un homme atteint personnellement par les critiques et qui veut se protéger, lui et son entourage. Burn-Out ? Une sorte de burn-out politique n’est pas impossible mais peu crédible. On en est réduit aux hypothèses. Au vu de sa carrière, un Charles Michel dépassé par ses affects est peu probable. Charles Michel est ce qu’on appelle un poisson froid. Il a encaissé de nombreuses critiques depuis son premier poste ministériel à 24 ans. Le “fils de” qui a osé un putsch à la tête de son parti, qui a osé former un gouvernement avec la N-VA. Il a toujours résisté à tout et toujours réussi à placer son ambition avant tout le reste. L’hypothèse la plus probable est donc celle du calcul d’intérêt. Charles Michel a sans doute conclu que cet abandon de poste risquait de lui être trop défavorable et que, pour sauver la suite de sa carrière, il valait mieux rester jusqu’à la fin. Lui a-t-on promis quelque poste en échange de sa volte-face ? Personne ne peut le dire aujourd’hui. Face à la perspective d’un horizon bouché en Europe, Charles Michel a aussi mesuré combien l’horizon belge était Georges-Louis Bouchez. C’est l’autre élément, avancé par des cadors libéraux : l’accueil de sa candidature n’a pas été très chaud dans le parti. Les militants l’ont applaudi poliment durant la tournée des vœux. Charles Michel aurait mesuré l’évolution de son parti, un parti où le président qu’il a pourtant lui-même installé a pris beaucoup de place, plus qu’il ne l’imaginait en cas d’éventuel retour. Fin de carrière ? Ces horizons bouchés expliquent sans doute cette phrase dans son communiqué : "Cela m’amène à m’interroger sur le sens et l’impact, pour moi et mes proches, de mon engagement". Une phrase qui pourrait signifier la fin de la carrière politique de Charles Michel. Le conditionnel est de rigueur. Il y a trois semaines, je vous disais en commentant l’annonce de sa candidature qu’avec Charles Michel, la surprise n’a rien de surprenant. Il pourrait, qui sait, faire bonne impression dans les derniers mois de sa présidence et se placer dans un grand marchandage de dernière minute. Son crédit européen apparaît bien entaché, mais qui sait. Sur la scène belge, il sera libre en novembre, il pourrait, qui sait là encore, apparaître comme un facilitateur dans la formation d’un gouvernement, mais là aussi son crédit apparaît bien entaché. Et puis, pour un éventuel poste de Premier ministre libéral, il y a du monde : Georges-Louis Bouchez ou Sophie Wilmès. Des figures qui désormais sont plus légitimes et plus puissantes au MR que lui. Bref, horizon bouché et horizon Bouchez, il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne, Arx tarpeia Capitoli proxima. Ce vieux proverbe romain évoque la chute rapide à laquelle se risquent les ambitieux. En étant monté très vite très haut sans ménager ceux qui l’ont aidé, Charles Michel semble, à 48 ans, arriver au bout de son parcours politique. Sauf surprise donc. Et avec Charles Michel, la surprise n’a rien de surprenant.