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Culture

Mondes souterrains, au Louvre-Lens

Exploration des tréfonds, entre mythe et réalité.

9 min

| Publié le 06/04/24

Le Louvre-Lens avait précédemment proposé une exposition sur les "Animaux fantastiques". Le musée poursuit l’approche grand public sans négliger l’aspect scientifique en traitant d’un sujet qui suscite la fascination depuis l’aube de l’humanité. "Mondes souterrains" explore "20 000 lieux sous la terre". Le sous-sol recèle des ressources à exploiter. Il abrite des formes de vie réelle, mais il suscite aussi l’imaginaire. Les hommes ont créé des mythes et ils ont peuplé les tréfonds de la terre d’êtres redoutables tels des monstres et des démons. Cerbère est un animal monstreux inventé par les anciens Grecs, un chien à trois têtes qui protégeait les portes des enfers. / La Sibylle d’Erythrée est l’hôtesse qui accueille le visiteur dans l’exposition. Il suit un couloir sombre vers l’antre de la prêtresse grecque. La gardienne des mystères est dépositaire du savoir sub-terrestre. Elle est la seule à pouvoir initier les mortels aux réalités des mondes souterrains. / La première partie de l’exposition est consacrée à l’exploration noire des mondes souterrains. Elle est foisonnante d’œuvres d’art remarquables : "La Divine Comédie : L’Enfer", de Gustave Doré ; "Les Prisons imaginaires", de Piranèse ; "Le Désespoir", d’Auguste Rodin … L’enterrement vivant est une angoisse qui de tout temps a nourri l’imaginaire. Elle a inspiré une performance à l’artiste contemporain Maurizio Cattelan réalisée lors de la 48e Biennale de Venise, en 1999. La guerre de 14-18 génère d’autres visions apocalyptiques du monde souterrain, celui des tranchées. André Devambez peint en 1924 le triptyque "La Pensée aux absents". Les poilus sont au bord du gouffre. / La scénographie orchestre sobrement une fantasmatique descente aux enfers avant d’éclairer dans la deuxième partie de l’exposition les ressources minérales et vitales de la Terre-Mère et les vestiges archéologiques que recèle son sous-sol. Le parcours se dessine ainsi de l’obscurité vers la lumière, en passant par des gradations de luminosité et des variations de couleurs. Les cimaises s’éclaircissent à partir du milieu de l’exposition. La bascule s’opère avec une référence au mythe de la caverne de Platon. "La grotte de Platon" est un tableau de Michiel Coxcie, un peintre du 16e siècle, originaire de Malines. A l’avant-plan, des hommes ligotés tournent le dos à la lumière et voient des ombres se projeter sur les parois intérieurs de la grotte. Ils croient voir des objets réels alors que ce sont des leurres. Ces hommes sont prisonniers de leur ignorance. L’exposition n’offre pas simplement un catalogue de représentations des mondes souterrains. Elle invite à ne pas adhérer aux seules productions de l’imaginaire, mais à quitter l’ignorance et à s’ouvrir à la connaissance. A partir de l’évocation de la caverne de Platon, l’exposition devient lumineuse. La réalité prend le pas sur la fiction. L’exploration se double de l’exploitation des ressources du sous-sol. Les fouilles archéologiques permettent d’exhumer des fossiles et des ossements, des trésors qui sont rassemblés auprès d’autres objets d’histoire naturelle au sein de cabinets de curiosité qui, à la Renaissance, livrent un état de la connaissance du monde. / Hommage au mineur qui affronte des dangers réels pour extraire le charbon. Rappelons que le Louvre-Lens est un musée élevé sur un carreau dans la région minière du nord de la France. Le mineur et la hiercheuse étaient représentés de manière héroïque dans la peinture et la sculpture de Constantin Meunier, parce que les travailleurs de la mine avaient le courage des héros antiques. / Le dernier chapitre de l’exposition aborde notamment le creusement du métro et l’univers underground des contre-cultures. La fin du parcours pêche par un souci d’exhaustivité. Trop de pistes de réflexion sont ouvertes. Aucune n’est creusée en profondeur. Le catalogue devient alors un outil indispensable à la bonne compréhension du propos. "Mondes souterrains - 20 000 lieux sous la terre", au Louvre-Lens jusqu’au 22 juillet. Alexandre Estaquet-Legrand, commissaire de l’exposition, au micro de Pascal Goffaux