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Culture

Birdsong, David Claerbout, à la galerie Greta Meert

Calme et beauté d'un chant d'oiseau

35 min

| Publié le 11/01/24

La galerie Greta Meert sise 13 rue du Canal à Bruxelles présente jusqu’au 3 février une exposition de David Claerbout. Elle s’étend sur les trois étages de l’espace. "Birdsong" rassemble deux vidéos, "Birdcage" et "Backwards Growing Tree", et un ensemble d’œuvres sur papier. La vidéo "Birdcage" - La volière, d’une durée de 1h36, est projetée au rez-de-chaussée. La caméra se promène dans un parc luxuriant. Les couleurs sont vives. Le vert de la prairie et le jaune et le rouge vifs des fleurs attestent la belle saison. David Claerbout a une formation de peintre. Il restitue un jardin pittoresque et tranquille. Une abeille butine un rhododendron. Des canards glissent sur l’étang. Un couple d’oiseaux apparaît : un étourneau sansonnet aux plumes bleu électrique et une grive musicienne au plumage roux. La narration est minimale. Les non-événements s’enchaînent sans former un récit. L’histoire se réduit à un événement. La découverte du jardin est interrompue par un incendie qui ravage la façade de la maison-château érigée dans le parc. Les deux volatiles sont pris dans une explosion de rouge, leurs mouvements figés par la violence de la déflagration. Dans la vidéo, l’intensité des couleurs paraît plus forte que dans la réalité. L’effet est dû à l’attention concentrée sur la nature, mais aussi à des vibrations visuelles produites par la technologie numérique. Elles créent une légère artificialité qui aiguise la vision et la trouble à la fois. David Claerbout travaille le concept de durée. La vidéo enregistre l’écoulement du temps, sans précipitation. La caméra capte des événements mineurs au rythme de l’œil qui se pose, attentif au spectacle de la nature. Le ralentissement ou l’étirement du temps modifie la perception de l’espace et incite à regarder avec plus d’acuité. La prise de vue semble se répéter à l’envi avec la succession des mêmes séquences. La vidéo est constituée de cinq promenades qui s’enchaînent, identiques, semble-t-il, mais accusent des différences. L’une d’elles fait apercevoir notamment une personne installée sur la terrasse de la maison avant l’explosion. La répétition du même suggère un mouvement perpétuel et introduit le spectateur dans un temps cyclique. L‘explosion suggérée par une image fixe est un instant bref dans un temps distendu. Le cliché de l’incendie fait référence à "L’Empire des Lumières" de René Magritte, en reprenant l’image paradoxale d’une maison éclairée la nuit sous un ciel de jour, puisque l’explosion obscurcit uniquement la façade. Le traitement révèle une fabrication plus manifeste de l’image. La réalité vraisemblable cède le pas à la fiction. Les couleurs sont travaillées de manière plus marquée. Les gros plans des deux oiseaux dramatisent la scène qui est construite à partir d’un collage d’images qui emprunte plus à la technique du diaporama qu’à la réalisation vidéo. Le silence accompagne paradoxalement les images de la déflagration alors que la bande-son faisait entendre le paysage sonore du milieu ambiant, les sons de la nature environnante. La vidéo "Backwards Growing Tree", littéralement la décroissance de l’arbre, est une œuvre exceptionnellement longue. La durée de projection est de cinq années ! L’arbre rajeunit pendant cette période. Le processus n’est donc pas visible à l’œil nu. Le spectateur voit un arbre solitaire planté dans un pré. Le feuillage bouge sous l’effet du vent, léger (au moment vécu de la projection). Parfois une feuille s’envole. La prairie est une image apparemment fixe. L’arbre existe dans la réalité, repéré en Italie, au sud de Modène, mais il a été entièrement créé numériquement. Que peut représenter ce retour dans le passé ? Le temps de la vision emporte vers le futur et notre disparition, mais l’image est une apparition qui revient à une origine. Le regardeur est assis au présent entre deux autres chaises temporelles. L’exposition présente aussi des œuvres sur papier qui sont des études liées à "Birdcage" et à "Backwards Growing Tree". Il y a aussi un ensemble de neuf œuvres sur papier, "Texas Border Piece", réalisées avec des nuances de gris. Elles sont accompagnées d’une projection murale. Il s’agit d’une composition en stop motion construite à partir des neuf dessins. La série se réfère à des photos de presse prises à la frontière entre le Texas et le Mexique, où des Haïtiens tentent de traverser le Rio Grande pour se rendre aux Etats-Unis et sont interceptés par des garde-frontières américains. Des clichés terribles à l’origine. Les images de David Claerbout évoquent des scènes cinématographiques de western et font des emprunts à la peinture orientaliste et aux images de la violence coloniale. David Claerbout au micro de Pascal Goffaux