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Culture

150 ans de l'impressionnisme, au MUba à Tourcoing

Peindre la nature. Les collections du Musée d'Orsay

9 min

| Publié le 24/04/24

Le "Musée d’Orsay" fête les 150 ans de l’Impressionnisme en prêtant cinquante-huit chefs-d’œuvre au "Musée des Beaux-Arts" de Tourcoing. Le "MUba Eugène Leroy" présente jusqu’au 24 juin une exposition titrée "Peindre la nature". Monet, Sisley, Renoir, Pissarro ou Cézanne, au contact des éléments, ouvrent large la fenêtre sur la nature. / 1874. Il y a 150 ans, un groupe de peintres organise une première exposition avec des œuvres parfois rejetées quand elles étaient présentées au Salon. Le artistes sont Boudin, Cézanne, Degas, Monet, Pissarro, Renoir, Sisley, … Ils exposent dans les ateliers du photographe Nadar, 35 boulevard des Capucines à Paris, entre le 15 avril et le 15 mai. . Eugène Boudin qui eut une influence sur le jeune Monet appartient au passé. Il est associé à "l’Ecole de Barbizon", mais il est un précurseur de l’impressionnisme, car il s’illustre dans la peinture en plein air, réalisée en dehors de l’atelier. "L’Ecole de Barbizon" (dont l’appellation est contestée, car il n’y a pas eu une école, mais un groupe de peintres aux styles différents qui ont trouvé l’inspiration dans la forêt de Fontainebleau) défendait une approche du paysage réaliste. Les artistes se rendaient dans la nature. Ils réalisaient des études en plein air. Les toiles étaient ensuite créées en atelier. / Le mot « impressionniste » surgit sous la plume du journaliste Louis Leroy, par ailleurs, dramaturge, graveur et peintre de genre. Il utilise le terme de manière moqueuse dans un article titré "L’exposition des impressionnistes" et paru le 25 avril 1874 dans le journal satirique "Charivari". L’auteur de la critique s’en prend notamment au tableau de Claude Monet "Impression, soleil levant" qui représente une vue du port du Havre. Louis Leroy considère l’œuvre inachevée : "Le papier peint à l’état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là". Quelle incompréhension ! Ce tableau est une merveille à nos yeux … aujourd’hui. / Les impressionnistes rompent avec les conventions du paysage historique. Le paysage était souvent considéré dans le passé comme un décor. Il permettait de situer une scène ou une action qui avait trait à l’histoire ou à la mythologie. Le paysage était rarement le sujet de la peinture. Le portrait d’un arbre était rare. Théodore Rousseau, considéré comme le co-fondateur de "l’Ecole de Barbizon", brossait des portraits d’arbres. Il représentait une nature intacte et préservée qu’il observait dans la forêt de Fontainebleau. Les impressionnistes vont porter un regard contemporain sur une nature anthropisée, modifiée par les activités humaines. Des ateliers et des usines s’installent sur les bords de la Seine. Des bateaux sont transformés en lavoirs publics. Le développement de la villégiature attire les promeneurs. Les citadins font des parties de campane. Ils pratiquent le canotage. Le paysage des impressionnistes n’est plus une nature vierge. Au-delà de la représentation du paysage, les impressionnistes vont traduire leur expérience du paysage et du plein air en donnant priorité à leurs sensations face à la nature. Ils vont peindre les reflets de l’eau et les effets de la lumière. Ils vont rendre les vibrations de la couleur en privilégiant une palette claire et en appliquant la matière colorée par touches visibles, dynamiques et juxtaposées. Ils donnent ainsi l’impression de saisir un instant. / Peindre le paysage. Le "Musée des Beaux-Arts" de Tourcoing raconte cette histoire en plusieurs chapitres. De "l’Ecole de Barbizon" et des premiers paysages de Monet influencé par Eugène Boudin aux approches singulières et multiples des impressionnistes qui traitent le paysage au fil des saisons et considèrent la nature dispensatrice de sensations lumineuses et colorées. L’impressionnisme s’exprime pleinement entre 1870-1880. Le grand saut est engagé avec Monet à partir des années 80 quand, abordant des « paysages purs », il force les effets lumineux. La décennie suivante, il peint des séries, les meules de foin. Il peint les falaises de Normandie, différentes suivant les saisons. Les années 90 annoncent la dissolution du paysage et elles ouvrent la porte à l’abstraction. "Les Nymphéas", œuvre ultime installée dans le "Musée de l’Orangerie" à Paris, sont projetés à Tourcoing sur un écran géant. Monet à la veille de sa mort survenue en 1926 projette magistralement sur la toiles ses sensations colorées. Le "Saule pleureur" (1920-1922) offre une vision synthétique, celle des branches et des rameaux. Le geste est libre./ Monet est bien présent aux cimaises, mais l’exposition montre aussi ses contemporains. Elle ouvre ensuite sur le néo-impressionnisme avec Seurat et Signac. Un espace est réservé à Gauguin et à son séjour à Pont-Aven, en Bretagne. Il a une vision plus abstraite et plus expressive de la nature et de la vie sauvage. Il cherche la synthèse. Emile Bernard et Paul Sérusier séjournent également à Pont-Aven. / Gauguin influence ainsi les Nabis comme Bonnard, Vuillard ou Maurice Denis. Ils quittent la représentation illusionniste de la nature. Les détails disparaissent au profit de grands aplats de couleurs et de formes simplifiées. / Odilon Redon proche du symbolisme referme une exposition dense qui suscite nombre de chocs esthétiques. Une des plus belles manifestations de cette année anniversaire de l’impressionnisme. Mélanie Lerat, directrice-conservatrice du MUba, au micro de Pascal Goffaux