Le Chagrin et la Pitié - La France de Vichy dynamitée

L'histoire d'un documentaire qui secoua la France

En avril 1971 sort dans une petite salle du Quartier latin à Paris, un film documentaire qui va provoquer un séisme, déclencher des polémiques, des scandales et des enthousiasmes. Ce film, "Le chagrin et la pitié", porte, pour la 1ère fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un regard sans concession sur les années d'Occupation. Le réalisateur, Marcel Ophüls, fait le choix de Clermont-Ferrand et y dresse le portrait d'une ville de province située non loin de Vichy prise entre pétainisme, collaboration, attentisme et résistance. Il questionne la mémoire des témoins. Il y rencontre des notables, des commerçants, des paysans, des enseignants et de nombreuses personnalités, de Pierre Mendès France à Christian de La Mazière, engagé français de la Waffen-SS ou René de Chambrun, gendre de Pierre Laval. Eclairant tout un versant jusqu'ici occulté de la mémoire collective hexagonale, "Le chagrin et la pitié" s'empare des fantômes et des démons des années d'Occupation brisant ainsi le mythe gaullien d'une France unie dans la Résistance contre l'envahisseur allemand. Plus de 50 ans après, Joseph Beauregard réalise un documentaire sur ce documentaire pas comme les autres dont le succès public fut retentissant en France et à l'étranger. Il retrace l'épopée de ce film hors du commun par sa forme et son fond, un film que la télévision française refusera d'acheter pendant 10 ans. "Le chagrin et la pitié - La France de Vichy dynamitée" restitue au plus près son historiographie et son impact sur la France qui n'avait jusqu'ici jamais été confrontée à son propre comportement pendant la guerre et sa mauvaise mémoire. Il raconte comment Marcel Ophüls a fait émerger une parole inédite et a mis en évidence des comportements hideux, indifférents et parfois lumineux. Film symbole de la fracture entre la génération post-68 et le pouvoir politique, dont l'intérêt était de laisser dans l'ombre " l'invraisemblable vérité " pour ne pas ternir l'image d'une nation engluée dans son légendaire réconfortant, "Le chagrin et la pitié" est, comme le rappelle l'historienne Sylvie Lindeperg " Un film de combat, une machine de guerre contre le gaullisme et sa vision de l'histoire ". S'appuyant sur les expertises d'historiens (dont Vincent Lowy, Henry Rousso ou Pascal Ory), de journalistes (Anne Sinclair, Samuel Blumenfeld, Antoine Spire), André Gazut, le chef opérateur du film, les souvenirs de spectateurs de 1971 et d'archives françaises et étrangères, ce documentaire souligne l'exigence de justice du Chagrin et la pitié, la fracture définitive qu'il représente, le basculement mémoriel qu'il incarne et l'influence indélébile du film de Marcel Ophüls sur les Français, simples citoyens, historiens ou cinéastes. Réalisation : Joseph Beauregard - Production : Les Films du Tambour de Soie / Arte France.