L'Heure H

Bertrand, gardien du palais …

Nous sommes aux abords du palais des Tuileries, en plein cœur de Paris. Symbole d’une resplendissance toute particulière, ce magnifique corps de bâtiment aujourd’hui disparu est le poumon d’un régime politique aux abois. À l’intérieur d’une calèche aux chevaux lancés dans une phénoménale poursuite contre Cronos, le maître absolu du temps, un général aux dorures et aux impressionnantes épaulettes est en retard. Revenant du front, il est aujourd’hui attendu pour une prise de poste comme la destinée n’en offre qu’une fois. Notre héros du jour n’est plus un gamin. Il a fêté ses 40 ans. Pourtant, le trac qui l’assaille se diffuse par tous les pores de sa peau. Sa jambe tremble tel un métronome déréglé, et le cocher à l’extérieur de la voiture, lui, ne cesse d’hurler à ses chevaux d’avancer. Son voyageur du jour est loin d’être un simple notable parisien en balade qui se rend à un rendez-vous d'affaires. Non, le gars-là, dans son véhicule, possède une lettre signée et cachetée par Napoléon lui-même. Bertrand, sans le savoir, vient de prendre son ticket pour la gloire. Mais la capricieuse divinité est toujours accompagnée par le fameux revers de la médaille. Et celui-ci s’appelle souffrance. Nous sommes le 20 novembre 1813, le fouet qui claque dans l’air attire l’attention des badauds alors que l’automne est galopant. Il est 11 heures, et c’est l’heure H, de mon histoire.