L'Heure H

Le roi est mort, vive le roi

Georges Mareschal arpente les couloirs du palais de Versailles d’un pas pressé. Cette maison qui abrite le cœur du monde, depuis quelques semaines déjà, semble s’éteindre. Les courtisans, d’ordinaire si loquaces, riant à gorges déployées des derniers ragots du tout-Paris, se font discrets. Le palpitant du plus beau château du monde est en souffrance. Alors, les ricanements se sont tus. Et ont laissé place aux murmures… et aux supputations. Le roi va-t-il mourir ? C’est la question qui est sur toutes les lèvres, dans tous les esprits. Il paraît immortel, ce Louis XIV qui enterre, année après année, tous les membres de sa famille. Il a accompagné au tombeau la totalité de ses enfants, mais aussi de ses petits-enfants. Solide comme un roc, la montagne d’or pourtant aujourd’hui s’effrite. Et, telle une étoile filante qui aurait ébloui même les astres, il semble pâlir. Quoi de plus normal, après tout, que le souverain soit fatigué ? Il a à son actif 76 années de vie, dont 72 passées sur le trône du plus puissant pays du monde. Ce n’est qu’une sciatique, voilà ce que pense son premier chirurgien, qui jette un regard sur les jardins et les bassins inondés de lumière. Certaines des dames de la Cour y batifolent sous leurs perruques. Mais les éclats de voix sont bien feutrés. Dans les couloirs soumis à la plus torride chaleur, plus aucune âme ne semble vivre. Assiste-t-on à la fin d’une époque ? Est-ce cela, la torpeur de la fin des temps ? Georges Mareschal ne le croit pas. Il ne va pas être déçu… Nous sommes le samedi 24 août 1715, des pas résonnent vers les Appartements du roi, il est 10h30 et c’est l’heure H, de mon histoire.