Nous sommes le 21 mai 1975, il est 5h08. Le soleil se lève sur Stammheim, une bourgade paisible, située au Sud-Ouest de la République Fédérale d’Allemagne. À l’horizon, une imposante construction de métal contraste avec les champs et les prairies qui l’entourent. C’est un établissement pénitentiaire ultra sécurisé. Au sein du bâtiment, Ulrike Meinhof est sur le point de quitter sa cellule pour la première fois depuis des mois. C’est le premier jour d’audience d’un procès emblématique, qui marquera l’histoire allemande : celui de quatre membres de la Fraction armée rouge. Il est 5h08 ce 21 mai 1975, c’est l’heure H de mon histoire.

Le soleil ne s’est pas levé ce matin, sur la place de la Révolution. Les nuages sont bas, et la brume insidieuse rend l’atmosphère particulièrement… Mortifère. Au loin, une partie de la foule massée au pied de l’échafaud peut déjà percevoir le cliquetis des fers et le bruit des roues de bois du chariot qui s’amène. Oh non, il ne s’agit pas d’un marchand égaré. Cette calèche est pleine de condamnés. À mort. Le bourreau, Charles-Henri Sanson, est celui à qui on a confié la lourde charge de mettre fin à la vie de ceux qu’on lui confie. Il en a vu passer, déjà, des victimes de la Terreur révolutionnaire. Son cœur et son âme sont hermétiques aux regards éplorés et aux plaintes. Pourtant, en cette fin de matinée, il sera saisi au plus profond de ce qui lui reste de bon cœur. Parmi les cous à raccourcir aujourd’hui se trouve celui d’une ancienne amie : Jeanne du Barry. Une femme au destin extraordinaire, que personne n’aurait pu prédire si ce n’est Dieu lui-même. De roturière à maîtresse royale, elle a prouvé qu’il n’y avait qu’un pas. Mais ce matin, elle, parmi tant d’autres, va mourir pour une raison qui lui échappe. Elle tombe sous le joug de cette fameuse Loi des Suspects qui terrorise le Tout-Paris. Le comité de Salut Public s’est chargé de mettre fin à bien des destins. Et s’il fera son devoir comme il l’a toujours fait, Charles-Henri Sanson, ce matin, a les pieds de plomb. Alors que la brume dévore la lame de sa guillotine, il enfile sa cagoule grossièrement taillée lorsque des corbeaux, volant en nasse, traversent le brouillard et viennent se poser sur la structure de bois. Cela fait longtemps qu’il ne les chasse plus. Ce serait inutile de toute façon. Ils sont le signe que le chariot des condamnés arrive. Voilà qu’il entend déjà les cris. Nous sommes le 8 décembre 1793, le froid mord aux chevilles et crispe les doigts. Il est 11 heures, et c’est l’heure H, de mon histoire.

La Du Barry

L'Heure H

Nous sommes le 18 juin 1815, au milieu des champs qui entourent Mont-Saint-Jean. Le soleil se couche dans un vacarme ahurissant. Une odeur de poudre, de sang, et de mort recouvre les corps et les survivants de l’armée française, qui, paniqués, se précipitent en arrière. Peut-être est-il 21 heures, sûrement un peu plus tard, personne n’est plus en mesure, actuellement, de jouer les maîtres du temps. C’est la cohue. Inébranlable, hallucinante. Les régiments de cavalerie détalent, les montures piaffent. Les officiers hurlent, essaient de maintenir l’ordre. Mais la vague rouge arrive, la contre-attaque est en cours. Que faire ? C’est la retraite ou mourir. Au milieu de la fumée stagnante des derniers coups de canon et des cris de désespoir, les Immortels, pourtant, sont encore debout. Et eux, monstres de courage et vestiges d’une époque qui disparaît sous leurs yeux, tiennent. Quelques carrés pour sauver tous les autres. Quelques carrés pour la gloire. Quelques carrés pour l’immortalité. Il est aux alentours de 21h : c’est l’heure H de mon histoire.

L'Heure H
Ulrike Meinhof et le procès de la fraction armée rouge

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