Dartford, tout près de la mégalopole londonienne. Nous arrivons sur le quai de la gare, lieu d’innombrables chassés-croisés depuis 1849. Nous sommes le mardi 17 octobre 1961, le jour n’est pas encore levé, et surtout, il pleut. Un vrai stéréotype de temps britannique. Les locomotives vont et viennent, la plupart partent vers ou reviennent de Londres. La ville de tous les possibles. Des meilleures écoles du pays aussi. Il est 7 heures 30 ce mardi matin, et sur le quai de cette gare somme toute modeste, deux jeunes gens attendent de pied ferme le train qui va les conduire en salle de classe. L’un porte sous le bras un paquet de disques vinyles, l’autre a dans le dos une guitare. Le premier s’appelle Mick, le deuxième Keith. Bientôt ils seront au panthéon de la musique mondiale. Aujourd’hui ils ont 18 ans, et bien entendu, ils l’ignorent encore. Suivez-moi sur l’humide quai numéro deux de cet embarcadère vers la gloire. 7h30, l’heure H, de mon histoire.

Nous sommes en Californie, sous le soleil couchant de San Diego. L’océan Pacifique, calme, en plein milieu d’une sieste qui pourrait paraître éternelle, est le berceau de dizaines de bateaux de la marine américaine. La plus puissante du monde. La Naval Station accueille aujourd’hui parmi ces géants d’acier arrivés en fin de vie un navire tout à fait différent des autres : le USS Stein. En effet, il vient d’être désarmé. Fin de carrière, après 20 ans et 2 mois de bons et loyaux services. Howard Johnson est un homme qui a passé toute sa vie sur l’eau. En 1978, il était sur le pont du Stein. Bien plus loin que San Diego. Près de l'Équateur. Le soleil qui se couche ce soir vient frapper sur la carlingue et les hublots. Howard Johnson, la main droite posée sur son vieil ami de métal, pleure. En passant ses doigts le long de la coque grisâtre, son annulaire ripe sur un trou. Fin et peu profond, comme une morsure. L’échine d’Howard se raidit en un instant. Voilà l’un des derniers souvenirs de l’attaque. Celle du Kraken. Nous sommes le 19 mars 1992, il est 19 heures, et c’est l’heure H, de mon histoire.

Kraken, l'attaque de l’USS Stein

L'Heure H

Notre histoire d’aujourd’hui débute le 5 mai 1957 à Hexham, dans le Northumberland anglais. Une petite bourgade charmante, qui se dresse là depuis des siècles, et qui fait partie intégrante d’un patrimoine national riche et prospère. Depuis 5 ans, la reine Elizabeth II règne sur un royaume prospère, dans lequel les retombées positives de la victoire de 1945 sur l’Ogre Nazi se font encore ressentir. Sur les trottoirs pavés d’Hexham, trois enfants, sur le perron d’une maison de la vieille ville, embrassent leurs parents. Ils vont, tous les trois, à l’église. Nous sommes dimanche matin, et s’ils partent peu de temps avant leurs parents, c’est que le prêtre leur a proposé de prendre part à l’office avec lui. Un privilège. Le soleil brille, les arbres qui jalonnent les rues et les parcs renaissent depuis l’apparition de ce printemps revigorant. Les oiseaux chantent et les trois jeunes gens qui se tiennent la main courent en chantant vers la maison de Dieu. Ils n’y arriveront jamais. Le bonheur n’est jamais qu’un voile qui adoucit la réalité du monde. Sordide, froide.

L'Heure H
Rolling Stones : Rock and roll bad boys

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