Passer à la recherche
image podcast

Vivacité

-

Loisirs

Grandeur Nature

au coeur du parc naturel régional du Mont-Ventoux

61 min

| Publié le 22/03/24

Réserve de biosphère riche et fragile, le Ventoux et son Parc d’un peu plus de 3000 ha mêlent combes, vallons, crêtes et plateaux riches en espèces végétales et animales. Sa singularité, le Parc le doit à on étagement bioclimatique qui en fait un géant de vie, de diversité et de cultures. Un agriculteur-cueilleur, producteur des senteurs du Ventoux A la sortie de Pernes-les-Fontaines, Jean-Christophe Raffin reproduit ses propres plantes pour en faire une trentaine d’huiles essentielles. Mais il cueille aussi en pleine nature des plantes aromatiques et médicinales dont il transformera feuilles, fleurs ou bourgeons. Un savoir qu'il transmet aux nouvelles générations. Ancien cuisinier, fils de Vendéens attachés à la terre, il a trouvé son bonheur au pied du Ventoux en distillant romarin et tirant mille vertus d'autres plantes du terroir provençal. Son atelier est une ancienne gypserie dont les murs séculaires ont vu passer les troupes de Napoléon. « Mes parents se soignaient avec des plantes. Je perpétue ce savoir-faire en macérat, tisanes, sirops, huiles essentielles et eaux florales. » Dans la serre, au fond de sa propriété pernoise, il sème et bouture ; le thym mettra 4 ans avant de produire. Son jardin de 2 ha n'est qu'un embryon de son terrain de jeu. C'est en effet en plein champ, à Villes sur Auzon, que ses parcelles explosent au printemps, quand thym, romarin, lavande et sarriette donnent le meilleur de leur nature. « Goûtez-moi ce sirop de cataire et coquelicot. Ou encore ce macérat de bourgeons de figuiers qui a macéré vingt jours dans um mélange d’eau de source, de sirop d’agave et d’alcool... ». On découvre, étonné, la richesse de ces cellules souches, qui, à elles seules, contiennent tout ce qui fera le végétal adulte ; soit les racines, les feuilles, les fruits. Dans ce coin de Provence à l’ombre du Ventoux, la nature variée des sols, mélangeant sable, argile et galet, assure la diversité botanique. Du fumier de cheval couvre la menthe, mais l'odeur d'huiles essentielles domine. « A force de cueillir, de distiller, on s’en imprègne », sourit Jean-Christophe qui détient tous les secrets pour mélanger fleurs, alcool et huile. « Un tiers de ma production vient aussi de cueillettes parmi les aubépines, cornouillers, amélanchiers, sureaux ou pins sylvestres. » On termine la visite par le séchoir construit en cèdre du Ventoux. C'est la saison du romarin. Il sèche bien sagement sur des clayettes à l'abri des insectes rebutés par le répulsif naturel dégagé par les planches. « Je suis agriculteur, je ne vends que ma production. » Et la liste est longue, entre les pots et flacons aux milles vertus. Miel et amandes de Saint-Didier pour un nougat maison chez Silvain « Nous sommes Entreprise du Patrimoine Vivant, label qui distingue les entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux d’excellence. » Claire nous accueille. Elle dirige la nougaterie Chez Silvain. Ici, à Saint-Didier, on décline le nougat du champ au chaudron. Depuis plus de 30 ans, la famille Silvain fabrique ses confiseries sublimant le fruit, l’amande et le miel... Cette confiserie est une histoire de famille. Claire et son frère perpétuent ce que leurs agriculteurs de parents, oncle et tante, ont créé. Ils possédaient des amandiers sur leurs terres et se sont lancés progressivement dans la fabrication de nougat. Aujourd'hui, En mélangent le fruit sec avec du miel de lavande, chez Silvain, on propose le nougat noir ou blanc en de multiples goûts surprenants. Comme ce nougat aux olives noires de Nyons, ou celui au poivre, que l'on peut goûter ici-même en terrasse, à deux pas des ateliers. « Au printemps les centaines de ruches de mon frère Jean assurent la pollinisation de nos 7 ha d'amandiers. Nous nous sommes associés à des producteurs locaux sous l'appellation Paysans-Nougatiers. Cette filière représente aujourd’hui 30 ha d’amandiers, 2000 ruches et 6 producteurs de la région afin d'assurer l'approvisionnent en matière première. » Il faut en effet 10 tonnes de miel et 10 tonnes d'amande pour fabriquer les 30 tonnes annuelles de nougat. « Un arbre ne produit par saison que 3 à 4 kg d'amandes sans les coques. Il faut attendre cinq ans pour qu'un amandier produise et que l'on récolte en septembre. » Ces arbres, cultivés en bio, demandent beaucoup d'entretien côté taille, travail du sol et amendement. Il faut aussi les irriguer et les guêpes peuvent pondre dans l'amande ! Succulent ces amandes grillées au fromage de chèvre. « Le savoir-faire du nougatier est essentiel entre bain-marie, passage au four et caramélisation, la durée de cuisson est déterminante. » Ainsi, selon la préparation, le nougat sera tendre ou croquant, blanc ou noir. On reprend un morceau de nougat au café. « Mon frère déplacera ses ruches en fin de floraison printanière. Pour profiter des fleurs d'acacia, de lavande… » On croque enfin dans le Soyeux et le Rêveur ; ici on donne un nom aux douceurs nougatées. Deux barres de qui portent bien leur nom. Et Claire nous assure qu'elles sont élaborées sans sucre raffiné. Un délice que l'on préfère aux barres énergétiques, produites ici-même pour ceux qui escaladent le Ventoux. Le nougat est sans limite ; chez Silvain on invite le public à découvrir sur le terrain l’origine des produits, puis à les déguster dans le salon de thé de Saint-Didier. Le verger-maraîcher de la ferme des possibles Nicolas a quitté le monde de l'industrie et d'agence de conseil pour reprendre à sa façon les terres provençales de l'exploitation familiale. Sur un sol argileux et caillouteux autrefois quasi exclusivement consacré à la vigne, aux olives, à la fraise ou au melon, il ne jure plus que par la diversité. « Pour apporter naturellement de la richesse au sol, je pratique du maraîchage en polyculture. J'interviens peu ou pas sur les légumes ou les fruitiers. La nature a les solutions en elle, si on respecte les rotations de 4 ans et la vie du sol. J’associe les légumes et les systèmes racinaires pour assurer et maintenir un équilibre. Le basilic que vous voyez ici retardera le risque de maladie pour les concombres. » Pour ses 2 ha, le maraîcher a besoin de 5000 mètres cube d'eau fourni par le système d'irrigation de la Durance. La neige qui tombe sur le Ventoux, recharge les nappes et sources. « L'agroforesterie et un mixte pour l’occupation des sols est une bonne réponse aux changements climatiques. » En dix ans, depuis l'abandon de monocultures et d'engrais, la vie aérienne et souterraine est réapparue ici au pied du Ventoux. Des haies indigènes cernent les parcelles alternantes aux serres qui permettent d'avancer les productions et de mieux les contrôler à l'abri des surchauffes ou du mistral. « Trois ha de serres, c'est peu, mais mon but n'est pas la production intensive, mais bien d'atteindre un équilibre. » La vigne, qui se développe sous serres, apportera du raisin de table blanc ou noir sans avoir besoin de soufre ou de bouillie bordelaise. La fumure animale et l'engrais vert (luzerne, sainfoin, phacélie ou seigle forestier) enrichit le sol des parcelles ou des alignements d'olivier ou autres figuiers et cognassiers apportent aussi ombre et protection. Mesclun, épinard et fenouil se vendront sur les marchés locaux, ici-même ; ou se retrouveront à la table des restaurateurs proches. « Je ne me déplace pas à plus de 5 km. L'idée est que la production profite aux locaux. » Ses artichauts arrivent à maturité ; une culture pérenne proche des lignes d'oignon et d'ail qui feront de bonnes compagnes pour les cucurbitacées. « Je n'aligne plus jamais de deux lignes de rangées d'un même légume. Ce métier nous enracine. La vie est revenue au, je vends 60% de ma production ici-même à la ferme ». Des porcs en plein air et au grand air Dans le Parc naturel du Ventoux, sur le plateau d'Albion, à 860 m d'altitude, 26 ha de cultures occupent Claire et Richard. Ils ont racheté il y a 8 ans une ferme en ruine proche du gîte qu'ils tenaient depuis plusieurs années. Autrefois menuisier, Richard s'est reconverti en paysan ; son épouse l'aide dans la commercialisation de la production qui combine élevage porcin de porcelets, castanéiculture et culture céréalière. Quatre fois semaine, ils font les marchés dans les villages autour du Ventoux pour écouler en vente directe de la crème de marron transformée sur place, charcuteries et salaisons produites par un boucher, pain et farine tirée des 15-20 tonnes annuelles conduites au proche moulin de Sault. Proches de la ferme isolée, une trentaine de châtaigniers plus que bicentenaires mériteraient d'être taillées pour retrouver une production optimale. Ils datent de l'époque napoléonienne, c'était alors une garantie assurée pour se nourrir et se chauffer. « Ils donnent de petites châtaignes très goûteuses. Je n'en donne pas à mes porcs car cela n'est pas autorisé par crainte d'introduire des maladies dans l'élevage en plein air qui court sur 2 ha, dont une partie dans le bois pour y trouver de la fraîcheur l'été et aussi des glands. Pour produire 1 kg de gras corporel par jour, il leur faut 3 kilos de nourriture quotidienne riche en protéines et fibres. Je les nourri pour 3-4 jours, et ils disposent d'abreuvoirs automatiques. » Le petit épeautre cultivé est aussi en partie exporté. Une culture réalisée en rotation avec celle de la cameline, un prédécesseur du colza, et celle de vesce, une légumineuse servant d’engrais vert. « Nos porcs, en plein air toute l'année et redevenus sauvages, sont en parfaite santé. Jamais d'antibiotiques donc ! » Claire et Richard ont osé. Le modèle économique fonction sans véritable calcul ou business plan. « Je passerai bientôt le relais à mon fils. C'est lui qui conduira ses cochons à l'abattoir chaque semaine, par groupe de 4 à 5. Une vraie trahison, je le conçois. » On se quitte. On a rendez-vous dans un bistrot de pays pour savourer des produits locaux et de saison, comme ceux de ces producteurs provençaux. On passera par les gorges de la Nesque, un canyon grandiose aux points de vue superbes.