Haïti, la loi des gangsDes gangs puissants économiquement et militairement
Des gangs puissants économiquement et militairement
54 min
| Publié le 16/01/25
A Port-au-Prince, capitale d'Haïti, près de trois millions de personnes sont prises au piège d'une guerre des gangs sanglante. L'envoi d'une force multinationale et l'arrivée ces dernières semaines du premier contingent de policiers kenyans n'a pour le moment rien changé. Pour les habitants, l'espoir d'une solution à long terme est mince. Désormais, les gangs armés contrôlent 80 % de la capitale et sont devenus extrêmement puissants, tant économiquement, que militairement. Leur porte-parole, Jimmy Chérizier, se fait appeler "Barbecue". Ils réclament une place à la table de négociations, sinon, ils vont continuer à se battre. Barbecue est le porte-parole d'une puissante alliance de gangs, "Viv Ansamn" (Vivre ensemble en créole). Les gangs ont décidé de ne plus s'affronter, afin d'unir leurs forces et de défier l'État, forçant ainsi le Premier ministre Ariel Henry à démissionner alors qu'il était à l'étranger, en mars. Dans les rues jonchées de débris et de voitures brulées, les policiers sont épuisés, mais déterminés. Ils assurent qu'ils veulent rendre leur pays fier, mais nous avons constaté combien leur tâche est difficile. Les membres des gangs sont partout, cachés dans les ruines des bâtiments détruits, dans cette ville devenue un véritable champ de bataille. Les rares civils encore présents dans les ruines du centre-ville se retrouvent pris au piège. Les habitants nous expliquent qu'ils refusent de livrer leur maison aux gangs et aux pillards. Ils se sont habitués aux tirs des chars de la police et aux bandits qui pillent les bâtiments alentours. Dans les bidonvilles de Port-au-Prince, fiefs des gangs, des milliers de personnes vivent encore sur place. Impossible de fuir, ils n'ont nulle part où aller. Les gangs se présentent comme "des révolutionnaires", des défenseurs des Haïtiens pauvres face à l'élite corrompue. Parfois, ils distribuent même des repas donnés par les ONG et les organismes internationaux. Mais selon Rosy Auguste Ducéna, avocate pour le Réseau national des droits humains, ce n'est qu'un affichage de façade : "Les bandes armées sont impliquées dans la perpétration de crimes de droit commun, dans des assassinats, dans des enlèvements suivis de séquestrations contre rançons. Elles sont impliquées dans des viols, des viols collectifs, des incendies de maisons, de résidences privées, d'entreprises, de banques, de tribunaux, de commissariats...". Quant à Jimmy Chérizier, alias Barbecue, l'avocate est catégorique : "Barbecue n'est pas révolutionnaire. C'est un bandit armé".