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Chronique Economique

I.A domination

4 min

| Publié le 24/03/23

Mon ancien professeur au centre de journalisme à Paris nous disait que si l'actualité n'avait pas de talent, il fallait lui en donner. Aujourd'hui, j'applique donc à la lettre ce précepte en citant une phrase récente de Bill Gates, le fondateur de Microsoft, qui n'a pas hésité à dire récemment que le développement de l'intelligence artificielle était aussi fondamental que la création, tenez-vous bien, du microprocesseur, de l'ordinateur personnel, d'Internet et du téléphone mobile. Ce n'est effectivement pas rien comme comparaison. Elle vient d'une personne qui, en principe, sait ce qu'elle dit. Et d'ailleurs il a formidablement raison. Il n'y a qu'à voir comment cette intelligence artificielle a été très très rapidement adoptée, et notamment via ChatGPT. Sans marketing, sans un franc, sans 1 € de publicité, Chat GPT n’a mis que deux mois pour conquérir 100 millions d'utilisateurs alors qu'il aura fallu cinq ans à Gmail pour arriver au même nombre d'utilisateurs et dix ans pour Netflix. Pour quelque chose à laquelle personne ne comprend rien, c'est plutôt rapide, vous l'avouerez, comme adoption. Mais ça ira encore plus vite dans les semaines et mois à venir. Pourquoi ? On comprend mieux maintenant pourquoi une société comme Microsoft a investi la petite somme de 10 milliards de dollars dans OpenAI, la maison mère de ChatGPT. Vous êtes tous utilisateur des outils de Microsoft via la suite Office. C’est fantastique, d'ici peu, vous allez avoir des assistants numériques puissants et quasiment gratuits. Je m'explique. Microsoft a décidé d'intégrer l'intelligence artificielle dans tous ses produits bureautiques comme Word, Excel, PowerPoint, Outlook etc. Autrement dit, il nous sera bientôt possible de dire à cette intelligence artificielle de répondre à cet email à notre place, de résumer un échange ou une réunion zoom ou encore de rédiger en une fraction de seconde un PowerPoint au départ de tel ou tel document. C'est complètement fou, en effet, et c'est quelque chose que le public n'évalue pas bien encore. Nous avons été habitués pendant des années à nous reposer sur Google pour ne plus fatiguer notre mémoire. C'est vrai, à quoi bon la surcharger si le petit rectangle de Google peut me trouver la réponse à ma question, au départ, en plus, de mon iPhone. Ici, avec l'intelligence artificielle, on passe à un cran au-dessus. Nous allons lui sous-traiter, à cette intelligence artificielle, non pas la connaissance comme pour Google, mais notre capacité de raisonnement. Et là, on est dans le vertige complet, comme l'écrivent mes confrères de la lettre d'information TTCO. C'est là où j'en viens à ce que propose Edouard Tétreau, un ancien analyste financier reconverti dans le conseil aux dirigeants, et qui, lui, appelle à la course aux armements. Pour lui, Chat GPT et ses petits frères et petites sœurs, qui vont venir bientôt sur le marché, sont comparables à la bombe atomique. Il y aura les nations qui l'auront et qui commanderont les autres, et puis celles qui ne l'auront pas. Les autres nations devront donc obéir. Or, que nous dit Edouard Tétreau ? Que la Chine, comme toujours discrète mais misant à fond sur le long terme, va consacrer 150 milliards de dollars d'investissement dans l'intelligence artificielle d'ici 2030. Les États-Unis, en tenant compte des budgets de l'armée et des entreprises de la Silicon Valley, investissent aussi 30 milliards de dollars par an. C'est aussi énorme, car les Américains sont conscients à la fois du danger et de l'immense opportunité de l'intelligence artificielle. Et nous, en Europe, qu'est-ce qu'on fait ? On consacre juste 1 milliard d'euros par an via différents programmes européens. Autant dire rien. Rien face aux deux géants que sont la Chine et les Etats-Unis. Et donc, si notre continent et ses habitants, et surtout nos enfants, ne veulent pas devenir les domestiques des Américains, des Chinois, il va falloir cravacher. Nos politiques, et notamment en Wallonie, sont en train de mettre en danger le gouvernement uniquement pour savoir si une université dans le Hainaut a droit ou pas à avoir un cursus complet au niveau des études médicales. Et pendant ce temps, la maison, elle, brûle. Et comme dirait Jacques Chirac, on regarde ailleurs. Il y a un proverbe perse qui dit qu'il faut que le hasard renverse la fourmi pour qu'elle découvre le ciel. J'ajouterai qu'il est temps pour que quelqu'un renverse la fourmi belge et wallonne, pour qu'elle voit l'intelligence artificielle et l'inutilité de certains débats qui datent vraiment du siècle dernier. Nos enfants ne nous pardonneront pas de les avoir paupérisés par manque de vision. --- La chronique économique d'Amid Faljaoui, tous les jours à 8h30 et à 17h30 sur Classic 21, la radio Rock'n'Pop.