1000 Jours dans l’HistoireL'ÉPOPÉE DU ROMAN
L'ÉPOPÉE DU ROMAN
27 min
| Publié le 21/04/17
Nous sommes en 1761. Dans la préface de son roman épistolaire « Julie ou la Nouvelle Héloïse », paru à Amsterdam, Jean-Jacques Rousseau écrit : « Tout honnête homme doit avouer les livres qu'il publie, je me nomme donc à la tête de ce recueil, non pour me l'approprier, mais pour en répondre. S'il y a du mal, qu'on me l'impute; s'il y a du bien, je n'entends point m'en faire honneur. Si le livre est mauvais, j'en suis plus obligé de le reconnaître: je ne veux pas passer pour meilleur que je ne suis… » Il ajoute « Quant aux filles c'est autre chose. Jamais fille chaste n'a lu de romans, et j'ai mis à celui-ci un titre assez décidé pour qu'en l'ouvrant on sût à quoi s'en tenir. Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page, est une fille perdue, mais qu'elle n'impute point sa perte à ce livre; le mal était fait d'avance. Puisqu'elle a commencé, qu'elle achève de lire, elle n'a plus rien à risquer. » Pourquoi tant de précaution de la part du grand philosophe des Lumières ? C’est que le genre romanesque, depuis son apparition au douzième siècle, doit se défendre des pires accusations : mensonge, corruption, insulte à la morale, danger pour les familles, la religion, l’Etat ! L’épopée du roman, c’est ce que nous allons parcourir à présent, de la bâtardise à la reconnaissance.